Et première déclaration publique
L’effondrement rapide de FTX est le résultat d’un échec massif de la surveillance et de la gestion des risques, a déclaré le fondateur déshonoré Sam Bankman-Fried lors d’une interview en direct mercredi soir. L’interrogatoire virtuel d’une heure, qui a clôturé le sommet annuel du New York Times, était la première apparition en direct de Bankman-Fried depuis qu’une ruée sur les dépôts des clients a forcé FTX à interrompre les retraits et à déposer le bilan.
L’entretien a porté sur la volonté de Bankman-Fried de parler à la presse malgré le risque d’auto-incrimination, sur la consommation de drogues chez FTX, sur sa valeur nette à la suite de la faillite de FTX et, bien sûr, sur la séquence des événements qui ont conduit à la disparition de la société.
La procédure de faillite suit son cours
FTX est désormais entre les mains de John Ray, le spécialiste du redressement d’entreprises qui a dirigé Enron après sa mise en faillite il y a une vingtaine d’années. Dans une déclaration au tribunal, Ray a dit qu’il n’avait jamais vu un échec aussi complet des contrôles de l’entreprise et une absence aussi complète d’informations financières fiables.
Ray a également déclaré penser qu’il y avait une exemption secrète d’Alameda Research sur certains aspects du protocole d’auto-liquidation de FTX.com. Mais pire, FTX n’avait aucun semblant de département RH ou de comptabilité financière de base. Bankman-Fried communiquait avec d’autres cadres et employés par le biais de messages auto-effaçables. Ce qui a entraîné une absence d’enregistrements durables de la prise de décision.
« Je ne savais pas »
Bien qu’il ait parlé longuement, Bankman-Fried n’a pas expliqué comment Alameda a pu couvrir les appels de marge sur les prêts qu’elle avait contractés en utilisant les fonds des clients de FTX, comme le Wall Street Journal l’avait précédemment rapporté. Bien qu’il ait fondé Alameda, qu’il détienne une participation de 90% dans la société et qu’il ait eu des relations intermittentes avec sa directrice générale, Caroline Ellison, il n’était pas responsable de la société et ne connaissait pas grand-chose de ses activités, a-t-il déclaré.
Coffeezilla, une personnalité de l’Internet connue pour avoir découvert des arnaques en ligne, a déclaré qu’il était impossible que Bankman-Fried n’ait pas été conscient que des fonds avaient été mélangés. « En fait, pendant des années, il fallait fournir de l’argent à Alameda Research pour obtenir de l’argent sur FTX », a-t-il écrit. « Les fonds étaient toujours mélangés. »
En effet, à un moment de l’interview, Bankman-Fried a reconnu que les clients devaient obtenir des fonds pour FTX via Alameda. « Pendant des années, FTX n’avait pas de comptes bancaires », a-t-il dit. « Les clients transféraient des fonds à Alameda pour qu’ils soient crédités à FTX ». Jon Wu, responsable de la croissance de la société de crypto-monnaie Aztec, a noté la contradiction. « SBF admet essentiellement la fraude », a-t-il tweeté.
Le moment où il a commencé à être nerveux
Bankman-Fried a déclaré qu’il est devenu nerveux lorsque CoinDesk a publié un article qui a révélé que 40% du bilan d’Alameda était libellé en FTT, un jeton illiquide émis par FTX pour dynamiser les échanges sur sa plateforme. Cette révélation a déclenché la séquence d’événements qui a conduit à sa faillite.
À l’époque, il pensait que cela pourrait nuire à Alameda, a-t-il dit. Ce n’est que le 7 novembre, le jour où il a insisté sur Twitter pour que les fonds des clients soient sécurisés qu’il a commencé à s’inquiéter de FTX, a-t-il dit. Le 11 novembre, SBF a démissionné de son poste de PDG et la société s’est placée sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites à New York.
Les réactions des experts
Certains observateurs qui ont suivi l’interview en direct se sont montrés sceptiques quant à l’affirmation de Bankman-Fried selon laquelle la faillite de FTX était le résultat d’une négligence plutôt que d’une fraude. « La stratégie juridique de SBF consiste à tenter de qualifier la fraude d’incompétence, afin d’éviter la prison », a déclaré Vinny Lingham, un investisseur en crypto-monnaie. Coffeezilla est d’accord.
« Il esquive chaque question majeure avec une revendication d’ignorance et de choc sur ce qui se passait dans sa propre entreprise », a-t-il écrit. « À ce stade, SBF supplie les gens de croire qu’il est stupide et incompétent. Ce n’est pas vrai. »
« Appelez-moi fou, mais je pense que SBF dit la vérité », a écrit le milliardaire des fonds spéculatifs Bill Ackman. Difficile de le croire.
A lire également:
- Qui est Caroline Ellison qui a précipité la chute de FTX?
- Les révélations hallucinantes sur la gestion de FTX
- Gary Gensler en cheville avec FTX?
SBF et son auto-incrimination
Au cours des trois dernières semaines, M. Bankman-Fried a accordé plusieurs interviews à des journalistes du New York Times, de Reuters et de Vox. Les observateurs se sont demandé sur les médias sociaux si Bankman-Fried était conseillé par un avocat, étant donné sa volonté de donner des interviews qui pourraient être utilisées contre lui au tribunal.
« Je pense que j’ai le devoir de parler aux gens et d’expliquer ce qui s’est passé », a-t-il déclaré mercredi au journaliste du New York Times Andrew Ross Sorkin. « S’il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour essayer d’aider les clients, je ne vois pas quel bien on peut faire en restant enfermé dans une pièce, en prétendant que le monde extérieur n’existe pas. »
Judd Legum, l’auteur de la lettre d’information Popular Information, n’était pas dupe. « Que fait SBF pour aider les clients de FTX ? » a-t-il écrit. « Il ne fait même plus partie de FTX. Faire une tournée des médias n’aide pas les clients de FTX. »
Sorkin a demandé à Bankman-Fried s’il pense qu’il sera accusé d’un quelconque crime. « Je ne pense pas personnellement que j’ai une responsabilité pénale », a-t-il répondu. « La vraie réponse est que ce n’est pas ce sur quoi je me concentre ». « Il y aura un moment et un endroit pour que je réfléchisse en quelque sorte à moi-même et à mon propre avenir. Mais je ne pense pas que ce soit le cas. Je veux dire, regardez, j’ai eu un mauvais mois », a-t-il ajouté, sous les rires du public en direct à New York.
Bankman-Fried a déclaré à plusieurs reprises qu’il avait été coupé des données internes de FTX depuis sa démission, ce qui rend difficile de reconstituer la séquence des événements qui ont conduit à l’effondrement de FTX et tout ce qui s’est passé depuis. Parmi ceux-ci, le fait que la branche américaine de FTX a cessé de traiter les retraits. « FTX US est totalement solvable », a-t-il déclaré. « Je ne comprends pas pourquoi FTX US ne traite pas les retraits des clients en ce moment. Il ne permet aucun effet de levier d’aucune sorte. Il est proche d’une plateforme de négociation au comptant. »
Consommation de drogues
M. Sorkin a également demandé à M. Bankman-Fried de répondre aux commentaires qu’il a faits sur les médias sociaux recommandant l’utilisation de stimulants, ainsi qu’aux images circulant en ligne qui semblent montrer des emballages d’Emsam sur son bureau, un antidépresseur utilisé de manière non autorisée. Bankman Fried n’a pas confirmé ou nié sa consommation de médicaments spécifiques et a refusé de parler au nom de ses collègues.
« J’ai bu ma première gorgée d’alcool après mon 21e anniversaire. Il n’y avait pas de fêtes sauvages ici », a-t-il déclaré. « On m’a prescrit diverses choses à différents moments pour m’aider à me concentrer, et je pense que c’est le cas. Il s’agissait simplement de l’utilisation de médicaments figurant sur l’étiquette, et de choses qui, à la marge, m’aident à me concentrer un peu. »
Bankman-Fried, dont la valeur était estimée à 20 milliards de dollars il y a un mois, a déclaré qu’il pense avoir maintenant environ 100’000 dollars sur son compte en banque, après avoir mis « tout » dans FTX. On en doute fort vu ses maisons aux bBahamas.
À la fin de l’interview, Sorkin a demandé à Bankman-Fried s’il avait été sincère mercredi.
« J’ai été aussi sincère que je suis capable de l’être », a-t-il répondu.
