Un déficit budgétaire sans précédent en 30 ans
La Chine est confrontée à un déficit budgétaire général atteignant 4% du PIB, soit environ 5.66 trillions de yuans (780 milliards de dollars). Ce niveau record, inégalé depuis plus de trois décennies, met en lumière les tensions économiques grandissantes qui pèsent sur la deuxième puissance mondiale. Ce déséquilibre budgétaire résulte d’une combinaison de facteurs structurels et conjoncturels qui ralentissent la croissance et affaiblissent le système financier du pays.
L’un des principaux moteurs de cette détérioration est l’intervention massive du gouvernement pour relancer une économie en perte de vitesse. Pékin a intensifié ses dépenses en infrastructures afin de compenser le ralentissement du secteur privé. Cependant, ces investissements ne suffisent pas à compenser l’effondrement du marché immobilier, autrefois pilier de la croissance chinoise. La faillite de géants comme Evergrande et les difficultés de promoteurs tels que Country Garden ont sapé la confiance des investisseurs et plongé le secteur dans une crise prolongée.
La macroéconomie pose un frein
La conjoncture internationale aggrave également la situation. La guerre commerciale avec les États-Unis, les restrictions sur les technologies stratégiques et l’incertitude géopolitique nuisent à la compétitivité des entreprises chinoises. De plus, la consommation intérieure peine à retrouver son élan après la levée des restrictions sanitaires liées au COVID-19. Contrairement aux attentes, la réouverture de l’économie n’a pas engendré de rebond massif, les ménages préférant épargner face aux incertitudes économiques et à la stagnation des salaires.
Dans ce contexte, Pékin se retrouve face à un choix difficile: augmenter encore les dépenses publiques, au risque d’alourdir l’endettement, ou bien adopter une politique d’austérité, ce qui pourrait freiner davantage la croissance.
Une déflation persistante
La Chine fait face à une déflation généralisée qui menace l’ensemble de son économie. Selon Bloomberg, l’Indice des Prix à la Production est en baisse depuis plusieurs mois, illustrant une faiblesse persistante de la demande industrielle. Plus préoccupant encore, cette tendance touche désormais l’Indice des Prix à la Consommation (IPC), y compris l’IPC de base, qui exclut les éléments volatils comme l’énergie et l’alimentation.
Cette dynamique reflète une consommation des ménages en berne et une réduction des investissements des entreprises. Si une baisse des prix peut sembler bénéfique à court terme pour les consommateurs, elle représente un risque majeur pour l’économie. En effet, les entreprises voient leurs marges se contracter, freinant leurs capacités d’investissement et d’embauche. Par ailleurs, les ménages, anticipant une poursuite de la baisse des prix, reportent leurs achats, ce qui aggrave encore le phénomène et alimente un cercle vicieux de stagnation économique.
Un autre effet préoccupant de la déflation est son impact sur la dette. La baisse des prix augmente la valeur réelle des dettes, rendant leur remboursement plus difficile, notamment pour les entreprises et les collectivités locales, dont l’endettement a explosé ces dernières années. Ce climat déflationniste accentue la crise du crédit, fragilise le secteur bancaire et limite les marges de manœuvre du gouvernement pour redynamiser l’économie.
La Chine risque-t-elle une «japonisation» économique ?
Face à ces tendances, de nombreux experts redoutent une japonisation de l’économie chinoise, à l’image de la stagnation prolongée que le Japon connaît depuis les années 1990. Plusieurs similitudes inquiétantes renforcent cette hypothèse.
Tout d’abord, le niveau d’endettement global est alarmant. En Chine, la dette des entreprises, des ménages et des collectivités locales atteint des niveaux vertigineux. En période de déflation, ce poids financier devient de plus en plus insoutenable, freinant les investissements et réduisant la croissance.
Ensuite, le vieillissement accéléré de la population chinoise constitue un autre facteur aggravant. La baisse du taux de natalité et l’augmentation du nombre de retraités réduisent la population active, ce qui pèse sur l’économie et alourdit les dépenses sociales de l’État. Cette transition démographique, couplée à un marché du travail moins dynamique, renforce le risque de stagnation à long terme.
Enfin, le secteur bancaire est sous pression en raison de la multiplication des prêts non performants liés à l’effondrement du marché immobilier. Cette accumulation de créances douteuses rappelle la situation du Japon dans les années 1990, où les banques ont dû absorber d’énormes pertes, réduisant leur capacité à financer la croissance économique.
Comment la Chine peut-elle éviter un scénario de crise prolongée ?
Pour empêcher un enlisement dans la stagnation, le gouvernement chinois doit mettre en place des mesures ciblées pour relancer la demande et contrer la spirale déflationniste.
Une première solution consisterait à réduire encore les taux d’intérêt afin de faciliter l’accès au crédit et stimuler l’investissement. Cependant, cette option est risquée car le niveau d’endettement est déjà préoccupant.
Une autre approche serait de stimuler directement la consommation en mettant en place des baisses d’impôts ou des aides aux ménages, afin d’encourager les dépenses et de restaurer la confiance des consommateurs.
Pékin pourrait également intervenir plus agressivement pour stabiliser le marché immobilier, en soutenant les promoteurs en difficulté et en facilitant l’accession à la propriété.
Enfin, la Chine pourrait miser sur les secteurs d’avenir en investissant massivement dans les technologies émergentes, les énergies renouvelables et les infrastructures stratégiques, afin de bâtir une croissance durable.
Un tournant décisif pour l’économie chinoise
L’économie chinoise se trouve à un moment critique. Un mauvais choix de politique économique pourrait entraîner le pays dans une décennie de faible croissance, à l’image du Japon. Mais la Chine dispose encore d’atouts considérables pour éviter ce scénario. Son gouvernement centralisé lui permet d’agir rapidement et de mettre en place des plans de relance massifs. De plus, ses réserves financières solides et son économie diversifiée offrent des marges de manœuvre stratégiques.
Les décisions prises dans les prochains mois auront un impact majeur, non seulement pour la Chine, mais aussi pour l’économie mondiale. Une stagnation chinoise pourrait entraîner une chute de la demande en matières premières, perturber les chaînes d’approvisionnement et redessiner les flux commerciaux internationaux. L’évolution de cette crise déterminera largement la trajectoire économique mondiale des prochaines décennies.