Le plafond de la dette : un facteur déclencheur
Les États-Unis s’apprêtent à orchestrer une diminution substantielle du Compte général du Trésor (TGA), ce qui pourrait libérer jusqu’à 830 milliards de dollars sur les marchés financiers. Bien que cette action ne soit pas officiellement un assouplissement quantitatif (quantitative easing, ou QE), son impact en reproduit les effets: elle alimentera les réserves bancaires et augmentera la liquidité du système financier.
Le gouvernement américain a atteint en janvier la limite d’endettement de 36’000 milliards de dollars imposée par la loi. Sans accord du Congrès pour relever ou suspendre ce seuil, le Trésor est contraint de trouver des solutions alternatives pour honorer ses engagements financiers.
Pour faire face à cette situation, il a recours à des mesures extraordinaires, comprenant environ 338 milliards de dollars de manipulations comptables et d’ajustements budgétaires temporaires. Toutefois, ces marges de manœuvre s’amenuisent rapidement: au 7 février, 60% de ces ressources étaient déjà consommées, ne laissant que 133 milliards de dollars disponibles. Dans les deux semaines à venir, en l’absence d’un nouvel accord, le gouvernement devra donc impérativement puiser dans le TGA pour assurer le financement des dépenses fédérales.
TGA en baisse: une forme implicite de QE
Le Compte général du Trésor, qui fonctionne comme le compte bancaire du gouvernement américain à la Réserve fédérale, contient actuellement 830 milliards de dollars. Ces fonds restent en dehors du circuit économique, ce qui les rend inaccessibles aux marchés.
Toutefois, si le gouvernement commence à réduire ce solde pour financer ses obligations, ces capitaux seront réinjectés dans le système financier, ce qui augmentera les liquidités disponibles. En d’autres termes, bien que cette stratégie ne soit pas officiellement un QE, elle en revêt les effets et les conséquences. Certains experts n’hésitent d’ailleurs pas à qualifier cette manœuvre de «Pas de QE, mais Q », soulignant son impact proche d’un programme d’assouplissement quantitatif traditionnel.
Quel impact sur les marchés financiers ?
Historiquement, une réduction du solde du TGA s’est souvent accompagnée d’une hausse des prix des actifs financiers. Par exemple, en 2022-2023, une baisse notable du TGA a contribué à limiter la correction des marchés et à redonner un certain souffle aux actions.
Cependant, cet effet pourrait être éphémère car il dépendra de la rapidité avec laquelle un accord sera trouvé sur le plafond de la dette. De plus, d’autres facteurs macroéconomiques, notamment la politique monétaire de la Réserve fédérale, viendront moduler cet impact.
Perspectives pour le TGA en 2024
L’analyse des flux du TGA et des dépenses du Trésor permet d’établir une prévision approximative de sa trajectoire dans les mois à venir :
- Mi-février – début avril : Une diminution de 600 milliards de dollars, injectant ainsi des liquidités sur les marchés.
- Avril – juin : Les rentrées fiscales absorberont une partie de cette liquidité, provoquant une remontée temporaire du TGA.
- Juillet – août : Si les négociations sur le plafond de la dette traînent, la diminution du TGA pourrait se poursuivre.
Un élément clé à surveiller est la «date X», soit le moment où le gouvernement épuisera ses ressources en l’absence d’un nouvel accord. Selon les estimations actuelles, ce scénario pourrait se produire au mois d’août.
Les véritables enjeux de cette injection de liquidité
L’effet net de cette redistribution de fonds ne dépendra pas uniquement de la baisse du TGA. Il faudra également tenir compte des mesures mises en œuvre par la Réserve fédérale dans le cadre de son resserrement quantitatif qui vise à retirer de la liquidité du marché. Ainsi, pour évaluer l’impact réel sur les actifs financiers, il sera crucial d’analyser la liquidité nette de la Fed qui résulte de l’équilibre entre les entrées et sorties de fonds au sein du système économique.
Les investisseurs devront suivre avec attention l’évolution du TGA, les orientations de la Fed et les décisions du Congrès. De ces facteurs dépendra la question clé : assisterons-nous à un nouveau cycle haussier durable, ou à une simple accalmie passagère alimentée par un afflux temporaire de liquidités?