L’or en hausse et le dollar en chute libre

Rupture du DXY et ses implications économiques profondes

La dépréciation de l’indice du dollar américain, communément appelé DXY, marque un tournant significatif dans la dynamique des marchés financiers mondiaux. Cette faiblesse du dollar entraîne une reconfiguration des prix des actifs à risque. En effet, tout ce qui est libellé en dollars doit être revalorisé à la hausse pour maintenir sa valeur réelle dans un contexte de dévaluation monétaire. Cependant, loin d’être une simple correction technique, cette situation s’accompagne de complications majeures qui révèlent un stress profond au sein des marchés. La rupture du DXY ne se produit pas isolément, elle coïncide avec une baisse des rendements des obligations des USA, Japon, Chine et l’UE.

Actuellement, le dollar s’affaiblit de manière notable. Et ce phénomène s’accompagne d’une dynamique préoccupante: les obligations du Trésor américain à 10 ans, considérées comme un baromètre de la confiance des investisseurs, perdent également de leur valeur. Dans un scénario classique, une dépréciation du dollar s’accompagne souvent d’une hausse des marchés boursiers, les actifs libellés en dollars devenant plus attractifs pour les investisseurs étrangers. Pourtant, ce n’est pas le cas aujourd’hui. Les marchés boursiers américains, également libellés en dollars, ne progressent pas. Au contraire, ils chutent. Cette convergence de facteurs, un dollar en baisse, des obligations en perte de valeur et des marchés boursiers en recul, évoque un scénario rare et inquiétant, que certains analystes comparent à la «Triple Yasu», une période critique vécue par le Japon dans les années 1990.

États-Unis : vers une crise de confiance à la japonaise ?

À l’époque, le Japon a traversé une phase où sa monnaie, le yen, s’est dépréciée, ses obligations d’État ont perdu de leur attrait et ses marchés boursiers se sont effondrés. Ce phénomène a marqué une période de profonde instabilité économique. Aujourd’hui, les États-Unis semblent s’approcher d’une configuration similaire où la fuite des investisseurs ne se limite pas à la monnaie.

Contrairement aux attentes, les obligations du Trésor, traditionnellement perçues comme un refuge en période de turbulence, ne bénéficient pas d’un afflux de capitaux. Au lieu de cela, les investisseurs se détournent massivement des actifs américains, qu’il s’agisse du dollar, des obligations ou des actions. Cette sortie généralisée traduit une perte de confiance sans précédent envers les États-Unis, longtemps considérés comme la superpuissance économique et financière mondiale.

L’or s’envole et la Chine mène la danse

Ce mouvement de défiance se manifeste par un indicateur clé: la ruée vers l’or, l’actif refuge par excellence. Le prix de l’or atteint des niveaux historiques, s’élevant à 3’400 dollars l’once, avec une trajectoire quasi parabolique. Cette envolée reflète une peur viscérale des investisseurs qui cherchent à se protéger en se tournant vers un actif déconnecté de la sphère d’influence américaine. La Chine, en particulier, joue un rôle déterminant dans cette dynamique. La Banque centrale chinoise a accru ses réserves d’or de cinq tonnes en mars, poursuivant une série d’achats mensuels consécutifs. Parallèlement, la Chine vend des obligations du Trésor américain, collectant des dollars qu’elle convertit ensuite en or. Cette stratégie semble viser à affaiblir la valeur des actifs américains tout en renforçant la position de Pékin sur le marché des métaux précieux.

Mais pourquoi une telle fuite des capitaux américains alors que les États-Unis demeurent une puissance économique bien plus robuste que des régions comme la Chine ou l’Union européenne? La réponse réside dans un facteur fondamental: les marchés détestent l’incertitude. Depuis son retour au pouvoir, l’administration Trump a semé un climat d’instabilité qui ébranle la confiance des investisseurs. L’un des éléments centraux de cette incertitude concerne les politiques commerciales, notamment les annonces de tarifs douaniers. Ces mesures, souvent imprécises et imprévisibles, ont paralysé les chaînes d’approvisionnement mondiales. Les entreprises, qu’elles soient basées aux États-Unis ou à l’étranger, hésitent à passer des commandes ou à investir dans des matières premières, incapables d’anticiper les coûts futurs liés aux taxes. Cette confusion paralyse l’activité économique et alimente l’aversion au risque.

Une instabilité politique qui pèse lourd

Au-delà des tarifs, l’incertitude s’étend à des questions institutionnelles bien plus graves. Les déclarations de Trump, notamment sur un possible limogeage de Jerome Powell, président de la Réserve fédérale, ou sur une remise en cause de l’indépendance de la Fed, suscitent des craintes profondes. Le marché commence à intégrer l’idée que Trump pourrait gouverner de manière erratique, voire autoritaire, en bouleversant des normes établies, comme la relation entre le gouvernement et la banque centrale. Certains observateurs vont jusqu’à spéculer sur la possibilité qu’il cherche à briguer un troisième mandat, une hypothèse qui, bien que lointaine, contribue à l’image d’un dirigeant imprévisible. Cette perception d’un leadership «déréglé» effraie les marchés qui privilégient la stabilité et la prévisibilité.

La chute du DXY illustre concrètement cette fuite des capitaux. Le DXY, composé à 57% d’euros, 13,6% de yens japonais et 11,9% de livres sterling, reflète la force du dollar par rapport à un panier de devises majeures. Lorsque cet indice s’effondre, cela signifie que les investisseurs se détournent du dollar pour se réfugier dans d’autres monnaies. Depuis janvier, l’euro s’est apprécié de 15% face au dollar, tandis que le yen japonais a gagné 13% depuis l’investiture de Trump. Cette fuite vers des devises étrangères traduit une volonté des investisseurs de diversifier leurs avoirs, quitte à privilégier des économies perçues comme moins instables, même si elles présentent leurs propres défis.

Une perte d’attractivité historique des actifs américains

En parallèle, la ruée vers l’or et les autres devises met en lumière une réalité brutale. Les États-Unis, autrefois refuge incontesté des capitaux mondiaux, perdent leur aura d’inviolabilité. Les investisseurs ne se contentent pas de réallouer leurs portefeuilles, ils expriment un rejet global des actifs américains, perçu comme un pari trop risqué dans le climat actuel. Cette situation, si elle persiste, pourrait avoir des répercussions durables sur la primauté économique des États-Unis. Un tel scénario, bien que moins extrême, pourrait éroder leur position de leader financier mondial.

La rupture du DXY, conjuguée à la faiblesse des obligations et des marchés boursiers, révèle une crise de confiance profonde envers les États-Unis. L’incertitude générée par les politiques de Trump, qu’il s’agisse des tarifs douaniers ou de ses prises de position institutionnelles, pousse les investisseurs à fuir vers l’or et d’autres devises. Ce phénomène, amplifié par des acteurs comme la Chine, souligne la fragilité des marchés face à l’instabilité politique. Si cette dynamique se prolonge, elle pourrait redéfinir les équilibres économiques mondiaux, avec des conséquences qui dépassent largement les frontières américaines.

Crypto Ayor
Crypto Ayorhttps://www.youtube.com/@cryptoayor
Né dans la crypto en 2017. Premier bullrun vécu et premières désillusions. J'ai appris pendant le bear market et le monde des cryptos n'a (presque) plus de secrets pour moi. De formation économique universitaire, j'ai travaillé dans les banques et les Family Offices. La finance est mon background, les cryptos mon avenir.

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