L’ère post-SEO: quand les IA redéfinissent la recherche d’information
Pendant plus de vingt ans, le SEO a dominé les stratégies de visibilité numérique. Cette approche a nourri une véritable industrie, fondée sur l’exploitation des mots-clés, l’acquisition de backlinks, l’optimisation de contenu et l’utilisation d’outils d’audit spécialisés, le tout orchestré par des experts et agences dédiés. Mais en 2025, un tournant s’opère. La recherche traditionnelle via navigateur laisse place aux plateformes LLM. L’annonce par Apple de l’intégration directe de moteurs comme Perplexity et Claude à Safari remet en cause la domination de Google. Le socle d’un secteur de 80 milliards de dollars vacille.
Nous assistons à un changement de paradigme où l’optimisation ne se mesure plus par le positionnement dans les SERP mais par la sélection algorithmique des modèles linguistiques. Bienvenue dans le deuxième acte de la recherche en ligne: la générative engine optimization ou GEO.
De l’indexation par liens à la sémantique des modèles
L’ancienne logique du SEO s’appuyait sur les liens. Désormais, les LLM priorisent le langage. Sous le règne du SEO, être visible signifiait apparaître en haut d’une page de résultats grâce à des critères comme les mots-clés, l’épaisseur du contenu, les liens entrants ou encore les interactions des utilisateurs. Aujourd’hui, les modèles comme GPT-4o, Gemini ou Claude s’interposent comme nouvelle couche de recherche. La visibilité se joue désormais dans la réponse elle-même, non plus dans son classement.
Avec cette transformation, les habitudes de recherche évoluent. Sur Instagram, Amazon ou Siri, l’IA native segmente les comportements selon des modèles spécifiques. Les requêtes s’allongent (23 mots en moyenne), les sessions se prolongent (environ 6 minutes) et les réponses deviennent plus contextuelles et multiformes. Ces interfaces mémorisent, raisonnent et personnalisent les informations pour bouleverser profondément les stratégies de contenu.
La forme devient aussi importante que le fond
L’optimisation classique reposait sur la précision et la répétition. Le GEO exige des contenus clairs, hiérarchisés et riches en sens, bien plus qu’en simples mots-clés. Des balises comme «en résumé» ou l’usage de listes permettent une extraction facilitée par les IA, favorisant leur intégration dans les réponses générées.
Ce nouveau marché est structuré différemment. Contrairement à Google, qui tire profit de la publicité et des données utilisateurs, les LLM adoptent souvent un modèle par abonnement. Leur intérêt n’est pas de générer du trafic vers d’autres sites mais de renforcer la valeur de leur propre plateforme. Les citations de contenus tiers doivent donc véritablement enrichir l’expérience pour être retenues.
Le GEO remplace les métriques de classement par celles de référence
On ne parle plus de clics mais de références. Dans ce monde piloté par l’IA, l’optimisation consiste à devenir une source privilégiée dans les réponses générées. La visibilité ne dépend plus du positionnement mais de la citation par les modèles.
Des outils émergents comme Profound, Goodie ou Daydream aident les marques à décoder leur présence dans les réponses des IA. Ces solutions identifient les éditeurs influents, suivent le sentiment et injectent les bons termes pour influencer les sorties des LLM. Les insights sont présentés via des dashboards actionnables, permettant aux équipes marketing de piloter visibilité, cohérence et compétitivité.
De la notoriété publique à la mémoire des modèles
Prenons l’exemple de Canada Goose. En analysant les réponses des modèles, la marque a pu évaluer sa reconnaissance non seulement sur ses qualités produit (chaleur, imperméabilité) mais aussi sur sa notoriété spontanée auprès des IA. Cela va bien au-delà du SEO classique.
Des solutions comme Brand Radar (Ahrefs) et les nouvelles boîtes à outils IA de Semrush permettent déjà de surveiller et d’optimiser la présence des marques dans les réponses génératives, preuve que les acteurs du SEO s’adaptent.
Une stratégie de marque intégrée dans la couche IA
Le nouveau levier de différenciation ne se situe plus uniquement dans la perception des consommateurs mais dans celle des modèles. Maîtriser sa présence au sein de l’IA devient un avantage stratégique fondamental.
Bien que le GEO en soit encore à ses débuts, à l’image des premières heures du SEO, il évolue rapidement. Chaque mise à jour de modèle peut remettre en question les pratiques en place. Certaines tactiques font consensus, comme apparaître dans les sources citées. D’autres restent à tester comme le poids accordé aux sources journalistiques par rapport aux contenus sociaux.
Des leçons du SEO à la construction d’un nouvel écosystème
Le SEO, aussi vaste soit-il, n’a jamais généré de monopole. Des outils comme Semrush, Ahrefs ou Moz ont prospéré dans des niches spécifiques mais aucun n’a dominé la chaîne complète. L’écosystème restait fragmenté, sans accès direct aux comportements utilisateurs et bloqués derrière des couches techniques.
À l’inverse, le GEO ouvre la voie à un marché centralisé, piloté par API, intégré aux flux de travail des marques. Les plateformes les plus avancées ne se contenteront pas d’analyser les résultats mais adapteront les modèles eux-mêmes. Elles combineront données internes, parcours de navigation et intelligence synthétique pour créer des systèmes réactifs et évolutifs.
Un nouveau socle du marketing et de la croissance
Le GEO n’est pas seulement une nouvelle forme de visibilité. Il devient le cœur d’une relation continue entre les marques et l’IA. Ce système permet de mesurer et d’améliorer la présence dans les réponses IA en temps réel. C’est une base opérationnelle et potentiellement un levier monopolistique, en transformant la veille en action directe.
À terme, ce pivot pourrait redéfinir le marketing à la performance. Ce que GEO injecte dans les modèles IA peut aussi nourrir les stratégies de croissance. En 2025, les plateformes qui maîtrisent cette couche influencent non seulement l’attention mais la mémoire des modèles. Car dans ce nouvel univers, où l’IA devient la porte d’entrée vers le commerce et l’information, la vraie question n’est plus où vous apparaissez mais si l’IA se souvient de vous.