Pourquoi les nouvelles adresses BTC chutent depuis janvier 2024?

L’institutionnalisation du Bitcoin bouleverse les signaux du marché

Depuis le lancement des ETF Bitcoin spot en janvier 2024, l’univers des cryptomonnaies subit une transformation profonde, bien que discrète. Alors que les cours poursuivent leur ascension et que les encours sous gestion atteignent des sommets inédits, les indicateurs on-chain livrent une lecture différente, parfois déroutante. On observe une baisse du nombre de nouvelles adresses Bitcoin, un ralentissement de l’activité des petits portefeuilles tandis que les données révèlent une accumulation massive par les grands acteurs institutionnels. Cette situation révèle une phase inédite dans l’évolution de Bitcoin, son intégration progressive dans les sphères financières traditionnelles.

Traditionnellement, l’augmentation des adresses Bitcoin sur la blockchain signalait l’arrivée de nouveaux investisseurs. Durant les précédentes phases haussières de 2017 et 2021, la hausse de l’activité on-chain allait de pair avec un afflux important d’investisseurs particuliers, communément appelés “retail”. Mais cette mécanique semble s’être enrayée. Depuis l’arrivée des ETF spot aux États-Unis, la création quotidienne de nouvelles adresses a considérablement baissé, malgré une demande de Bitcoin plus forte que jamais.

Des ETF qui redessinent le paysage on-chain

Ce paradoxe s’explique par le fonctionnement des ETF. Lorsqu’un investisseur acquiert un ETF Bitcoin via une banque ou un courtier, il n’entre pas directement en possession de BTC sur la blockchain. Ce sont les émetteurs d’ETF, comme BlackRock, Fidelity, Ark Invest ou Franklin Templeton, qui achètent et conservent les Bitcoin en leur nom. En conséquence, là où des centaines de milliers de particuliers détenaient chacun leur propre adresse auparavant, on assiste aujourd’hui à une concentration de ces avoirs dans les portefeuilles de quelques entités institutionnelles. Cette nouvelle forme d’adoption, dite off-chain, échappe donc aux métriques on-chain classiques, bien qu’elle reflète une appropriation réelle et croissante de l’actif.

À l’heure actuelle, les ETF Bitcoin pèsent environ 142 milliards de dollars d’actifs sous gestion, un chiffre impressionnant qui traduit l’intérêt massif des institutions et leur confiance accrue envers Bitcoin comme actif d’investissement à part entière. Toutefois, cette montée en puissance des ETF souligne également une évolution structurelle majeure, la concentration des fonds. Le Bitcoin, pensé à l’origine comme un actif décentralisé réparti entre des millions d’individus, glisse peu à peu entre les mains de quelques géants de la finance, qui en assurent la garde et contrôlent les mouvements de capitaux. Les investisseurs, eux, ne détiennent plus que des produits dérivés, des expositions indirectes à son prix.

Une nouvelle architecture de marché aux effets ambivalents

Cette centralisation entraîne plusieurs effets. D’un côté, elle modifie profondément l’interprétation des données on-chain. L’activité paraît en berne alors que les flux sont simplement restructurés. D’un autre côté, elle stabilise le marché, les institutions ayant tendance à conserver leurs positions plus longtemps, réduisant ainsi la volatilité. Mais cette mutation soulève aussi une question de fond. A mesure que Bitcoin s’institutionnalise, ne s’éloigne-t-il pas de son ADN initial, celui d’une monnaie libre, décentralisée et résistante à la censure ?

Les flux entrants dans le marché crypto restent massifs mais se concentrent désormais sur un nombre réduit d’adresses. Cela traduit une stratégie d’accumulation à grande échelle par les grandes entités: fonds, plateformes d’ETF et dépositaires. À l’inverse, les petits portefeuilles stagnent. Cette asymétrie renforce l’image de Bitcoin en tant qu’actif de réserve détenu par une élite financière, à l’instar de l’or ou des grandes actions cotées. Pour de nombreux experts, cette évolution était inévitable. Bitcoin franchit une nouvelle étape et s’installe comme réserve de valeur numérique plutôt qu’outil de spéculation populaire.

Le marché attend son catalyseur macroéconomique

Cependant, pour qu’un nouveau cycle haussier exponentiel démarre, un déclencheur fort sera nécessaire, qu’il soit d’ordre économique ou réglementaire. La demande institutionnelle, bien que solide, ne suffit pas à elle seule à enclencher une dynamique haussière durable. Les bull runs les plus marqués de l’histoire sont toujours nés de la synergie entre capitaux institutionnels et participation massive du public. Or, à ce jour, les particuliers demeurent prudents, freinés par un environnement macroéconomique tendu: taux d’intérêt élevés, inflation persistante, incertitudes géopolitiques et régulations encore ambiguës dans plusieurs grandes juridictions.

Le retour d’une dynamique explosive pourrait être déclenché par une baisse des taux directeurs de la Réserve fédérale, une reconnaissance étatique du Bitcoin ou encore une législation claire et incitative. De tels événements pourraient relancer la confiance du grand public et ramener les capitaux retail” sur le marché, créant une nouvelle onde de choc haussière.

Le Bitcoin, entre consolidation et mutation financière

En attendant, les données indiquent une hausse significative de la taille moyenne des portefeuilles. Certaines analyses évoquent une progression moyenne supérieure à 300’000 dollars par adresse, signe que les entités déjà engagées, en majorité institutionnelles, continuent leur phase d’accumulation. Les ETF, de leur côté, captent des flux entrants constants chaque semaine, illustrant une demande sérieuse et soutenue.

Ce contexte reflète une transformation profonde. Bitcoin quitte progressivement son rôle d’actif de niche adopté par une communauté passionnée pour s’imposer comme une composante stratégique des grands portefeuilles d’investissement. Il est utilisé à la fois comme protection contre l’inflation, comme réserve de valeur et comme instrument de diversification face à l’instabilité du système monétaire classique.

Ainsi, la diminution du nombre de nouvelles adresses ne doit pas être vue comme un signe de déclin. Elle symbolise plutôt l’entrée de Bitcoin dans une nouvelle ère : celle de sa consolidation au sein des circuits institutionnels. Une adoption moins visible mais plus robuste, marquant peut-être le socle silencieux sur lequel se construira le prochain cycle haussier majeur.

Cathy Norton
Cathy Norton
Je baigne dans les cryptos depuis 2012. C'est un domaine qui me passionne. Et comme tout passionné, j'aime transmettre mon savoir qui grandit jour après jour. Un domaine infini qui se renouvelle sans cesse. C'est ça qui est passionnant.

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